inversus

19 novembre 2021 au 8 janvier 2022

vernissage vendredi 19 novembre à partir de 17 heures

Inversus

Et mireï l.r. poursuit sa quête… Quête du portrait, quête d’elle-même, femme et artiste…, réflexion sur l’art, sur la vie.

Au travers de dessins aux crayons de couleur, de peintures, gravures, sculptures, broderies, par découpages, collages, cloutage, installations d’objets familiers divers, récupérés – multiples cadres de tailles et formes variées, petits meubles : chaises d’enfant, de prière, de bistrot …- mais aussi mots, expressions qui font partie des oeuvres, les éclairent, en prolongent le sens, mireï l.r., entre figuration et abstraction, nous offre des variations, déclinaisons, fragments d’elle-même…

Elle met en relief l’aspect autobiographique de son Oeuvre, et dans des ensembles qui dialoguent entre eux, par rapprochements et oppositions, elle démontre la complexité de son « portrait ». Elle révèle ce qu’on ne voit pas au premier abord, les liens au passé, à l’histoire sociale, culturelle, à ses racines familiales, à ses souvenirs d’enfance…

À l’endroit, à l’envers (du latin inversus, de invertere, « retourner, renverser »), à la renverse, sens dessus-dessous, face à face, pêle-mêle… mireï l.r. tourne, retourne, tord, inverse, présente dans un sens contraire, à l’envers. Cet envers, ce côté qui, le plus souvent, ne doit pas être exposé à la vue, doit rester caché. Elle dévoile les « fils de trame » de son être, de ses goûts, de ses influences, inspirations, sources de ses créations, tentant ainsi de percer sa réalité profonde, sa vérité, l’essence de son OEuvre.

Au centre de son inspiration, l’univers féminin, des portraits de femmes, et son auto portrait ici, éclaté : mains, doigts qui se mêlent, se tendent entre femmes de la même famille, de sa mère, aujourd’hui disparue, à sa fille, à sa petite fille Adèle, du même prénom qu’une mystérieuse petite fille de la famille [la chambre des filles] soulignant ainsi le lien, le passage de l’une à l’autre… Et, également la chaîne qui la relie aux grandes figures féminines du passé : Margarete Van Eyck, « femme de » à la huve médiévale formant des cornes sur les côtés, dont mireï réinterprète le portrait fait par le peintre [Margareta] ; St. Agathe, martyre sicilienne à laquelle on avait arraché les seins, représentés par mireï en une série de coques brodées, exposées dans une vitrine de procession ; Christine de Pisan, philosophe et poétesse vénitienne ; l’artiste réinterprète les anciennes chopines vénitiennes, chaussures du XVe au XVIIe siècles, à très haut talon, permettant aux Vénitiennes, lors des pics de marée (acqua alta, aqua alta en dialecte vénitien : hautes eaux) de protéger leurs longues robes de la boue [Aquaalta]. Sans oublier la Madone [Madone à la chaise] où se retrouve récupération et humour !

Mireï joue des oppositions des formes, des tailles des cadres carrés, rectangulaires, ronds, ovales, noirs, blancs, or…

Elle joue avec les couleurs , esthétiquement, ou pour leurs codes : bleu-garçon / rose-fille [Le choix du roi], blanc de la chemise de nuit d’adolescente, ancienne et virginale… brodée au fil rouge du prénom « Adèle » – enfant de la famille restée mystérieuse -, et de la liste d’expressions illustrant le mot fille : fille de quelqu’un, fille de personne, fille facile, fille perdue, vieille fille, rose pour les filles, fille à papa, fille à sa mère…, comme autant de « marques » rappelant les initiales tracées au fil rouge des trousseaux des jeunes filles d’autrefois… Rouge qui éclate également dans les vêtements des portraits féminins, ceux de Margarete Van Eyck, de Christine de Pisan … Fil rouge de l’oeuvre de mireï ! Rouge-sang, vie, émotion, amour, passion, couleur essentiellement féminine …, « la couleur de ce qui était dedans et qui sort ! » (Paul Claudel, Conversations dans le Loir-et-Cher, 1935), Cette « couleur animale et secrète » comme l’exprime Nicole Avril (Dans les Jardins de mon père, 1989) pour laquelle « s’afficher en rouge, c’est retourner son corps comme une peau de lapin, pour mettre en plein jour ce qui palpite, saigne, jouit et soufre ». Rouge mouvant du coquelicot que l’artiste traduit en installation précieuse de pétales délicats [Serre], ou en série de dessins, fragments, éclatements, taches rouges-sang rappelant la chanson « Comme un pt’it coquelicot » : « Mais sur le corsage blanc / Juste où battait son coeur / Y avait trois gouttes de sang / Qui faisaient comme une fleur / Comme un p’tit coquelicot … », ou rouge pâlissant, mourant [Rouge instable, Impossible Herbier] exprimant la fragilité de la nature, de la vie, la mélancolie du temps qui passe…

Elle joue avec les mots : envers, derrière, dos, en vers…, avec les couleurs, les sensations, les parfums [quel parfum ?], les images inversées dans les miroirs, interrogeant ainsi l’identité, l’altérité, et ce flottement entre notre perception intime et celle des autres.

Inversus, une nouvelle exposition, protéiforme, esthétique, intime, sensorielle, poétique, philosophique… Un rébus à déchiffrer. Mireï, comme le coquelicot, ne se laisse pas mettre en pot !

Annie Mollard-Desfour,
linguiste lexicologue, auteure

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